Le 23 juillet 2025, à l’université de Kinshasa, le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, a prononcé un discours marquant lors d’une conférence portant sur « *Au cœur du processus de pacification de la RDC : comprendre pour agir – l’appropriation du narratif congolais par la jeunesse pour la construction d’une paix durable* ». Face à un auditoire composé de professeurs, de membres du corps académique et d’étudiants, il a insisté sur l’importance qu’a la jeunesse dans la reconstruction d’un pays longtemps meurtri par des décennies de conflits.
Le ministre Muyaya a commencé par rappeler le contexte historique difficile, évoquant la solidarité de la RDC lors du génocide rwandais de 1994, qui, selon lui, a été à l’origine de nombreux drames : « Je voudrais aujourd’hui vous parler du processus de pacification de la RDC. Vous savez que nous connaissions un conflit depuis près de 31 ans. Il y a parmi vous des jeunes qui, depuis leur naissance, n’ont connu qu’un pays en guerre. Pour rappel, en 1994, à la demande de la communauté internationale, notre pays avait ouvert ses frontières pour accueillir les réfugiés rwandais. Nous nous souvenons tous du génocide rwandais, de triste mémoire, où des centaines de milliers de Rwandais furent massacrés. Malheureusement, la solidarité exprimée à l’époque par notre nation a été le point de départ des drames que nous vivons encore aujourd’hui ».
Face à une jeunesse souvent désorientée par les discours contradictoires sur la nature même du conflit, Patrick Muyaya a insisté sur la nécessité d’une mobilisation nationale pour une compréhension commune des enjeux. Il a ainsi rappelé les moments clés qui ont marqué le processus de paix dans l’Est du pays, notamment la rencontre de Doha en mars 2025, la déclaration conjointe RDC–AFC/M23 en avril, puis celle de Washington en avril également, pour enfin souligner la signature de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda en juin, ainsi que la déclaration du 19 juillet dernier. « Il ne peut y avoir de paix durable si la jeunesse ne s’approprie pas l’histoire et ne participe pas à l’écriture du présent », a-t-il affirmé.
Plus qu’un simple rappel historique, Muyaya a insisté sur l’importance de “l’appropriation du narratif congolais” comme acte de souveraineté. Selon lui, « cette guerre n’est pas seulement dirigée contre le président Félix Tshisekedi. Elle vise la souveraineté même de la RDC. Elle doit être résolue une fois pour toutes, et cela commence par la conscientisation de notre jeunesse ».
Ce message s’inscrit dans une volonté de promouvoir un narratif endogène, positif et reflétant la résilience, la culture et les aspirations des Congolais. Il s’agit, selon le ministre, de forger une identité collective forte, capable d’influencer les choix politiques et d’unifier la nation. La jeunesse doit donc sortir des récits importés, souvent focalisés sur le chaos et la dépendance extérieure, pour embrasser une narration qui valorise le potentiel et les réussites locales.
Les étudiants de l’UNIKIN ont exprimé leur frustration face à leur marginalisation dans les processus décisionnels et dans le discours médiatique. En réponse, Patrick Muyaya a proposé la création de plateformes citoyennes et universitaires permettant à la jeunesse de produire, diffuser et défendre son propre récit du Congo, en partenariat avec les médias publics et privés, notamment via la radio universitaire “Colline inspirée”.
Cette rencontre a aussi mis en lumière la nécessité d’un engagement actif de la jeunesse dans la consolidation de la paix par l’éducation, la déconstructions des fausses informations, le dialogue intercommunautaire, la médiation sociale et le plaidoyer pour la justice transitionnelle. Pour lui, « comprendre pour agir » est la clé d’un changement durable — car, pour le ministre, « la paix ne peut se construire uniquement par des traités ou l’intervention étrangère, mais surtout par une jeunesse consciente, engagée et fière de son identité congolaise ».
Le recteur de l’Université de Kinshasa a salué cette initiative en soulignant la pertinence du thème et la richesse des messages : « Vous avez choisi de parler au cœur du processus de pacification. Et quel meilleur lieu qu’une université, où bat le cœur de la pensée nationale ? Trop souvent, ces sujets sont discutés dans la sphère des réseaux sociaux, où chacun s’improvise expert sans maîtrise réelle. Aujourd’hui, nous avons eu le privilège de nous abreuver à la source, celle du savoir étatique et diplomatique ».
En clôture, Patrick Muyaya a insisté sur l’importance d’intégrer la jeunesse dans les stratégies de diplomatie populaire et culturelle. Il a lancé un appel à devenir des ambassadeurs de paix dans chaque université, quartier ou village, soulignant que « Nous avons besoin d’ambassadeurs de paix dans chaque université, chaque quartier, chaque village ». Plus qu’un simple discours, cette rencontre incarne une vision novatrice pour la paix durable en RDC : une approche participative, éducative et souveraine, centrée sur le pouvoir de sa jeunesse pour bâtir un avenir plus stable et uni.
BENNY LUTALADIO