La quête de paix dans l’Est de la RDC avance sur deux fronts : à Washington, Kinshasa et Kigali ont scellé un accord historique le 27 juin, tandis qu’à Doha, le gouvernement et les rebelles de l’AFC/M23 ont signé, ce 19 juillet, une « Déclaration de principes ». Ces avancées, portées par une médiation américano-qatarie, pourraient marquer un tournant après des années de conflit. Mais avec l’Est toujours en proie aux tensions et des détails encore flous, le chemin vers une stabilité durable reste semé d’obstacles.
La quête de la paix dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) connaît des développements majeurs, avec des avancées diplomatiques à la fois avec le Rwanda et les rebelles de la coalition AFC/M23. Ces progrès, négociés sur deux fronts distincts mais complémentaires, pourraient marquer un tournant dans une crise sécuritaire qui dure depuis plus de dix ans.
L’Accord de paix du 27 juin
Le 27 juin 2025, sous médiation américaine, la RDC et le Rwanda ont signé un accord de paix à Washington, visant à apaiser les tensions entre les deux pays, souvent accusés de se livrer une guerre par groupes armés interposés. Cet accord, salué par la communauté internationale, prévoit notamment un mécanisme de surveillance des frontières et une coopération sécuritaire renforcée.
Cependant, la coalition AFC/M23, principale rébellion active dans le Nord-Kivu, avait exprimé des réserves, exigeant des clarifications sur son implication dans le processus. Cette réticence a poussé les parties à reprendre les discussions, cette fois sous l’égide du Qatar.
La « Déclaration de principes » de Doha
Le samedi 19 juillet 2025, après plusieurs semaines de pourparlers discrets, les représentants du gouvernement congolais et ceux de l’AFC/M23 ont conclu une « Déclaration de principes » à Doha. Bien que le contenu exact n’ait pas été rendu public, ce texte ouvre la voie à un cessez-le-feu potentiel et à de futures négociations inclusives.
Cette étape est cruciale, car le M23 contrôle encore plusieurs localités dans le Nord-Kivu, une situation qui reste une source de tensions. Les observateurs espèrent que cette déclaration permettra d’aboutir à un retrait progressif des combattants et à un désarmement sous supervision internationale.
Les États-Unis, parrains à la fois de l’accord RDC-Rwanda et de la déclaration de Doha, jouent un rôle clé dans la consolidation de ces avancées. Leur engagement ferme donne un cadre solide au processus, mais les défis restent nombreux : l’application sur le terrain : Les précédents accords ont souvent échoué en raison du manque de suivi ; la question du retrait des troupes étrangères et rebelles : Le Rwanda est régulièrement accusé de soutenir le M23, ce qu’il nie ; l’inclusion des autres groupes armés : Plusieurs milices restent actives dans la région et pourraient menacer la stabilité.
La MONUSCO salue la Déclaration de Doha
La Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) a salué, dans un communiqué daté du 19 juillet, la signature de la Déclaration de Principes entre le Gouvernement de la RDC et l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 Mars (AFC/M23), comme un pas essentiel sur la voie d’une paix durable.
« Cette importante déclaration s’inscrit dans une dynamique d’apaisement des tensions en faveur de la protection des populations civiles durement affectées par le conflit. Nous saluons les engagements pris et appelons à leur mise en œuvre de bonne foi dans les délais prescrits », a déclaré M. Bruno Lemarquis, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC et Chef par intérim de la MONUSCO.
La MONUSCO s’est réjoui de l’engagement des parties à permettre le retour volontaire, sécurisé et digne des personnes déplacées internes et des réfugiés vers leurs lieux ou pays d’origine. Elle encourage également le dialogue inclusif, crucial pour aborder les causes profondes du conflit et instaurer une paix durable.
La Mission a souligné la référence dans la déclaration de l’importance de la protection des civils et de l’appui au cessez-le-feu, avec le soutien de la MONUSCO et des mécanismes régionaux. Elle réaffirme sa disponibilité à appuyer la cessation des hostilités, notamment à travers l’établissement d’un mécanisme de vérification crédible et consensuel.
La MONUSCO a exhorté toutes les parties à respecter leurs engagements, à agir de bonne foi à chaque étape du processus, et à accorder la priorité aux droits humains, à la sécurité et aux aspirations du peuple congolais dans toutes les décisions. La Mission rend hommage à l’État du Qatar, en particulier au Ministre d’État aux Affaires étrangères, Dr Mohammed bin Abdulaziz Al-Khulaifi, dont la médiation a facilité ce rapprochement.
« La Mission reste pleinement mobilisée pour soutenir les efforts de paix, de réconciliation et de stabilisation en RDC, en étroite coopération avec les autorités nationales, les partenaires régionaux et internationaux, conformément à son mandat », conclut le communiqué de la Monusco.
Un espoir prudent
Si ces signatures successives suscitent un espoir réel, beaucoup rappellent que le chemin vers une paix durable sera long et semé d’embûches. « C’est un pas important, mais tout reste à faire sur le terrain », souligne un analyste congolais.
Le gouvernement congolais, quant à lui, se veut optimiste. «La Déclaration de Principes qui vient d’être signée à Doha avec l’AFC/M23 sous la facilitation du Qatar, se fonde sur le respect strict de la Constitution de la RDC, les Charte des Nations Unies et de l’Union africaine, le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité, notamment la Résolution 2773, et s’aligne sur l’accord de Washington. Cette déclaration tient compte des lignes rouges que nous avons toujours défendues notamment le retrait non négociable de l’AFC/M23 des parties occupées suivi du déploiement de nos Institutions (FARDC, PNC, justice, administration). Elle contient plusieurs engagements clairs en faveur de la paix, de la protection des civils et de la souveraineté nationale et ouvre la voie à un accord de paix global à conclure dans les prochains jours afin de mettre fin durablement au conflit dans l’Est de la RDC. Cet objectif répond à l’aspiration profonde du Président de la République de restaurer la paix dans l’Est de notre pays », a déclaré, dans son compte X, le porte-parole du Gouvernement congolais, Patrick Muyaya Katembwe. Et d’ajouter : « Dans la marche vers la paix, nous faisons chaque jour des progrès ! »
Dans les rangs de l’Opposition, Delly Sesanga, leader d’ENVOL, se félicite de la Déclaration de Doha, la qualifiant d’« un pas à saluer en direction de la paix ». Il souligne cependant qu’un « dialogue inclusif » reste la voie obligée pour une paix durable : « Quant à la question préjudicielle des « causes profondes » du conflit, elle ne saurait être abordée efficacement que dans le cadre d’un dialogue inclusif, incluant le gouvernement, l’opposition politique, AFC/ M23 légitimée désormais dans ses revendications par la déclaration de DOHA ainsi que la société civile, tel que préconisé par l’ECC-CENCO en faveur d’un « Pacte social pour la paix et le bien vivre ensemble ».
En attendant, la population de l’Est, épuisée par des années de violence, observe ces développements avec un mélange d’espoir et de méfiance. La paix, enfin, semble à portée de main – mais elle devra encore être gagnée.
Cinq dates clés pour comprendre le processus de restauration de la paix dans l’Est de la RDC :
* 18 mars 2025 : Rencontre tripartite à Doha entre les Chefs d’État du Qatar, de la RDC et du Rwanda.
* 23 avril 2025 : Déclaration conjointe RDC – AFC/M23.
* 25 avril 2025 : Déclaration de principes RDC – Rwanda à Washington.
* 27 juin 2025 : Signature de l’Accord de paix RDC – Rwanda.
* 19 juillet 2025 : Déclaration de principes RDC – AFC/M23.
BENNY LUTALADIO